Ami visiteur, sois le bienvenu !

Cette fin d'année est propice, je veux le croire, à la manifestation du désir de donner une suite à cette entreprise balbutiante depuis trop longtemps.
Peut-être l'année 2012 me permettra-t-elle d'aller plus loin et de rencontrer mes amis !
A bientôt !

samedi 21 avril 2012

Individualisme ou égoïsme ?

Dany-Robert DUFOUR
L'Individu qui vient...
...après le libéralisme.

Introduction.

     "Nous vivons une époque individualiste ! ", tel est le jugement spontané qui tourne aujourd'hui en boucle dans les discours de la doxa contemporaine.
     Rien n'est plus faux !
     Que notre époque soit à l'égoïsme, c'est un fait ; mais à l'individualisme, certainement pas. Pour une bonne et simple raison : l'individu n'a encore jamais existé. Il n'existait pas hier lorsqu'il était dissous dans les foules acclamant le Duce ou le Führer ou lorsqu'il était prié de se taire en attendant les lendemains enchantés promis par le bolchevisme. Il n'existe pas davantage dans le libéralisme d'aujourd'hui où l'individu se trouve réduit à ses pulsions par la culture de marché qui s'évertue à placer en face de chaque appétence mise à nu et violemment excitée  un produit manufacturé, un service marchand ou un fantasme plus ou moins adéquat bricolé par les industries culturelles. Or, ce fonctionnement pulsionnel aujourd'hui constamment flatté suscite une attente permanente de satisfactions et constitue le préalable idéal à une mise en troupeaux généralisée des consommateurs - les fameuses études de marché désormais réalisées dans tous les domaines servent à cela, à segmenter la population en types de clientèles, avant de les capter, voire les capturer pour ne plus les lâcher, grâce aux stratégies marketing qui se chargeront d'imprimer la nécessité de la permanence du divertissement dans les esprits et le logo des marques au plus profond des consciences.
     En fait d'individualisme, nous nous retrouvons en pleine époque d'égoïsme grégaire. Ce dont témoignent, outre les différentes formes actuelles de la consommation de masse, d'autres symptômes - ceux, par exemple, qui sont soutenus par les technologies numériques (les "apéros géants" et autres phénomènes où l'idéal semble être d'avoir instantanément des milliers d'"amis"... qu'on ne connaît pas). Au point que l'égoïsme grégaire est devenu la forme dominante du lien social dans les démocraties de marché. Appeler ceci "individualisme" relève tout simplement du contresens majeur. Le véritable individu ne peut en effet désigner que celui qui non seulement est sorti de tous les troupeaux possibles, mais qui de surcroît pense et agit par lui-même indépendamment de ses pulsions. C'est là une forme qui tend alors à s'incarner en une multitude de sujets possibles, éminemment différents les uns des autres, tous singuliers.
Il ressort de ce qui précède que l'individu reste aujourd'hui à inventer. D'abord, comme aboutissement de la culture occidentale qui en a jeté les prémisses. Mais aussi et surtout parce que seul l'individu enfin réalisé comme personnalité apte au gouvernement de soi, soucieux de l'autre et conscient de sa place relative dans l'univers, pourrait encore sauver un monde devenu malade du fait d'être intégralement livré au tout Marché. Ce monde ainsi piégé et enchaîné connaît de multiples crises : économique, politique, intellectuelle, morale, subjective, sociale et écologique. Au point qu'il se répand de plus en plus, au gré des irradiations radioactives de Fukushima succédant aux énormes fuites de brut dans le golfe du Mexique, comme une âcre odeur de fin du monde.

Lettre à mon corps

Dans « Vie et Santé » de juin 1994
Texte transmis par André Saintbonnet




Bonjour mon corps,

            C’est à toi que je veux dire aujourd’hui combien je te remercie de m’avoir accompagné et soutenu si longtemps sur les chemins de ma vie. Je ne t’ai pas toujours accordé l’intérêt et le respect que tu mérites. Souvent je t’ai ignoré, parfois maltraité, adressé des regards hostiles, des silences pleins de doute, quelquefois des reproches violents. Tu es le compagnon dont j’ai le plus abusé, que j’ai le plus trahi.

            Et aujourd’hui, au soir de ma vie, je te découvre un peu ému, avec tes cicatrices visibles ou secrètes, avec ta lassitude mais aussi tes émerveillements encore possibles. Je me surprends à t’aimer maintenant avec des envies de te choyer un peu, de te donner du « bon ». J’ai envie de te faire des cadeaux, de t’offrir du Mozart, de te donner les caresses du soleil, de t’introduire aux rêves des étoiles.

            Mon corps, aujourd’hui je te promets d’être plus attentif à toi, dans l’acceptation de ton amour. Oui, j’ai enfin découvert que tu m’aimais, mon corps, que tu prenais soin de moi, que tu étais vigilant et étonnamment présent dans tous les actes de ma vie. Combien de violences as-tu affrontées pour me laisser naître, pour me laisser être et grandir avec toi ? Combien de maladies et d’accidents as-tu traversés pour me sauver la vie ?

            Mon corps, maintenant que je t’ai vraiment rencontré, je ne te lâcherai plus, nous vieillirons ensemble et quoiqu’il nous arrive, nous irons ensemble jusqu’au bout de notre vie commune.




Jacques SALOME            



mercredi 28 mars 2012

70 ans... ça se fête !

Georges, Seigneur de Rocheville, s'est réveillé le 19 mars dernier à l'aube d'une nouvelle décade.
Dans son village normand tant aimé il a fêté l'événement en compagnie de son épouse préférée.
Seuls quelques coups de fil lui ont rappelé que d'autres à sa destinée s'intéressaient.
Il ne pouvait, le pauvre Georges, se douter qu'en un coin de Bretagne un traquenard se préparait.
Ses filles, son Marin tant choyé, ses belles-soeurs et beaux-frères, ses nièces de tous les coins de France appelés, se sont précipités.
C'est près de Rennes que tout ce beau monde s'est retrouvé, Geogeo, pour te fêter !
C'était le 25 mars. Un peu de retard ? Oui, mais quelle fête !

Ils l'ont dit... A nous d'y penser !

L'abbé Pierre :
" L'Espérance, c'est croire que la vie a un sens. "


Mahomet :
" La vraie richesse d'un homme se mesure au bien qu'il a fait autour de lui. "

mardi 20 mars 2012

La dernière corde


Un soir de concert, le célèbre violoniste Paganini jouait avec tant de fougue qu'une corde se rompit, la plus fine, la chanterelle.
Imperturbable, il continue de jouer... Une deuxième corde saute, puis une troisième, c'est presque la fin du morceau...
Frénétiquement applaudi, Paganini termine la fin en beauté avec l'unique corde restante, la grosse corde de sol.

Au bout de la vie, une à une, les cordes sautent :
  • levers difficiles
    • jambes faibles
      • articulations douloureuses
        • mémoire capricieuse
          • fatigue du soir...

Combien de temps encore pourrons-nous jouer le concerto de notre vie ?

Mais sans être un Paganini si étincelant, jusqu'au bout on peut faire entendre des choses belles avec les cordes qui restent. Il faut les fréquenter en grande amitié plutôt que trop penser aux cordes disparues...

Chère vieille corde de sol, la dernière, la plus grave,
  • corde de la patience courageuse,
    • corde de la bonté
      • corde de la sagesse.
C'est cela qu'on attend autour de nous : une petite musique de paix, d'humour aussi, une sorte de prédication silencieuse mais si parlante... sur l'espérance !



Texte donné par un ami de 92 ans, disparu 3 mois après, à André Saint Bonnet, jeune homme de 87 ans qui me l'a transmis ce 18 mars 2012.
Et André de conclure : « J'approche ! Quant à l'espérance ? Ma foi ! »

J'écris (Messaour Boulanouar)


J’écris pour que la vie soit respectée par tous
je donne ma lumière à ceux que l’ombre étouffe
ceux qui vaincront la honte et la vermine
J’écris pour l’homme en peine l’homme aveugle
l’homme fermé par la tristesse
l’homme fermé à la splendeur du jour
J'écris pour vous ouvrir à la douceur de vivre
J’écris pour tous ceux qui ont pu sauver
de l’ombre et du commun naufrage
un coin secret pour leur étoile
un clair hublot dans leurs nuages
J’écris pour la lumière qui s’impose
pour le bonheur qui se révèle
J’écris pour m’accomplir au cœur de mes semblables
pour que fleurisse en nous le désert froid du mal
J’écris pour que la terre m’appartienne
chaude tendre et joyeuse
J’écris pour apaiser mon sang
mon sang violent et dur et lourd de siècles
                                                                              
J’écris pour partager ma joie
avec ceux qui m’écoutent
J’écris pour être heureux, pour être libre
pour tous les hommes vrais
qui comprennent mes cris ma peine et mon espoir
J’écris pour éveiller l’azur
au fond des yeux malades
au fond des vieux étangs de honte

J’écris pour qu’on défende                                                  
pour qu’on respecte
l’arbre qui monte
le blé qui pousse
l’herbe au désert
l’espoir des hommes.

Messaour Boulanouar, extrait de La Meilleure Force, tiré de Quand la Nuit se brise, anthologie de poésie algérienne,  Points édition
 Musique : Claude Nougaro, Les Mots, album La Note Bleue

lundi 19 mars 2012

Manos Locas et Compagnie

Elle vient de naître, cette jeune association pleine de promesses. Promesses de voyages dans l'espace et dans le temps, dans les têtes et dans les coeurs, dans les eaux profondes et les cieux limpides, sur les monts dénudés et à travers les nuées.
Promenons-nous sans modération dans les méandres de ses textes et de sa galerie de portraits de... marionnettes.
Sophie, tes personnages seront ravis de peupler ton album de photographies spécialement conçu pour eux. Et nous, eh bien nous serons enchantés de faire leur connaissance et de nous laisser conduire sous leur houlette dans ton monde.
http://manoslocasetcompagnie.wordpress.com/

Superbe galerie de personnages attachants… Grands yeux ouverts sur le monde… Traces d’inquiétude, d’étonnement, de fatalisme, de curiosité, de facétie, de connivence… Et les mains du logo, elles-mêmes devenues visage... nous entrons vraiment dans l’univers de la magie des petites mains et des grands sentiments.

mercredi 7 mars 2012

UTOPIE... DRÔLE DE PAYS




Le 3 février dernier Le Pays Briard a publié quelques lignes de réflexion sans le titre « Randonnée au pays qui n'existe pas ».
 
Cette omission, en apparence anodine, abolit l'idée suivante : ce pays n'existe pas mais je peux y cheminer, y errer aussi. Voilà matière à méditation.
Comme le souligne Denis Vincent dans sa réponse du 10 février, l'homme est pris entre une aspiration vers le Bien et sa difficile condition.
Et là réside une matrice de l'utopie.
Utopies les cathédrales ? Certes, mais utopies réalisées.
L'abbaye de Thélème reste, quant à elle, une utopie évoquant la différence entre le droit naturel et le droit positif. La société parfaite, si elle existait, n'aurait pas besoin de lois...
L'imaginaire est assis entre deux chaises. La réalité à laquelle on cherche parfois à échapper et le rêve. Et il arrive que le rêve devienne réalité. Les deux chaises ne font plus qu'une.
Le temps pousse l'homme à s'évader de sa condition. Mais le temps prend son temps. C'est sa force. L'histoire des civilisations se développe dans un temps qui dépasse largement celui d'une génération.
Albert Jacquard en a une conscience aiguëe au soir de son existence. Il l'exprime dans son ouvrage intitulé « Mon Utopie ». Il y décrit son pays qui n'existe pas, qu'il a pourtant parcouru, délimité tout au long de son existence. Il inscrit entre ses frontières sans réalité l'espoir du lent cheminement de l'humanité rassemblée vers ce magnifique pays qui n'existe pas.

Et moi je rêve. Les dirigeants politiques ne luttent plus, individu contre individu, pour asseoir un pouvoir. Ils unissent leurs forces. Ils élèvent le débat pour conduire les peuples rassemblés vers cette terre promise si riche parce que l'utopie l'a fécondée.
Quelques sentiers d'utopie ? La prise de distance par rapport à notre époque, à nos habitudes de penser. L'ouverture à d'autres modes de voyager vers la sagesse. Le respect des religions, de toutes les religions aussi bien que de l'athéisme ou de l'agnosticisme. Ainsi trouverons-nous, par delà les divergences évidentes, les nombreux points communs si bien cachés, nombreux points de rencontre.
L'école a un rôle central à jouer au cours de ce voyage. Mais quelle école ? That is the « big » question. Grande question, en effet, qui a fait, fait et fera couler beaucoup d'encre. Mais ceci est une autre histoire.

dimanche 19 février 2012

La vitesse et l'âge

Une citation d'Albert Jacquard in "Mon Utopie"     2006

     Dans notre société où la vitesse est une valeur, la tentation de l'école est d'apporter du savoir sans trop se préoccuper de la compréhension. C'est se contenter d'un plat surgelé qui a perdu sa finesse et surtout qui n'aiguise pas l'appétit.

lundi 13 février 2012

Réponse de Denis Vincent (Randonnée au pays qui n'existe pas)

A PROPOS DE L'UTOPIE

Les grandes utopies ont jalonné d'âge en âge notre passé. Denis Vincent revient sur la "plume" (Le Pays Briard du 3 février) de Guy Couespel à propos du débat sur les prochaines élections.

    L'utopie est une générosité de l'imagination. Une aspiration de l'homme pensant, cherchant la justice, l'ordre, l'harmonie, la fraternité, etc... L'homme est pris entre une aspiration vers le Bien et la difficile condition humaine.
    Les grandes cathédrales de France ont été des utopies. Le palais de Versailles est né d'une utopie. En littérature, Rabelais via Gargantua, bâtit l'abbaye utopique. L'utopie rabelaisienne n'est pas séparée de la Rédemption d'un Dieu agissant dans l'incarnation du Verbe.
    L'homme seul ne peut bâtir la cité idéale. Il suit les voies du Ciel par les voies exotériques de Salut et par l'ésotérisme des symboles et des nombres. Le Paradis perdu hante l'homme. Il rêve cet âge d'or. Cette hantise se traduit dans les utopies sociales les plus proches de nous. Elles aussi ont leur paradis et sont à la recherche de leur âge d'or. Hélas, les programmes électoraux et les promesses de leurs hérauts ne sont pas des utopies. Ils répondent seulement à des urgences et à des situations très éloignées d'un imaginaire.

Réaction parue dans le Pays Briard du 10 février 2012

lundi 6 février 2012

Quoi de nouveau sous le soleil ?

La Bruyère     -     L'injustice sociale




C'est en 1645 que naquit La Bruyère. Il y a donc 367 ans cette année. Je le relis avec grand plaisir. Peut-être son expression surprendra-t-elle des lecteurs du vingt et unième siècle. Mais les propos sont d'une terrible actualité.
 
Il y a des misères sur la terre qui saisissent le coeur. Il manque à quelques-uns jusqu'aux aliments ; ils redoutent l'hiver ; ils appréhendent de vivre ; l'on mange ailleurs des fruits précoces ; l'on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse. De simples bourgeois, seulement à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux, ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité.
Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères.
L'on voit certains animaux farouches, des mâles, et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé.
Si je compare ensemble les deux conditions des hommes les plus opposées, je veux dire les grands avec le peuple, ce dernier me paraît content du nécessaire, et les autres sont inquiets et pauvres avec le superflu. Un homme du peuple ne saurait faire aucun mal ; un grand ne veut faire aucun bien et est capable de grands maux. L'un ne se forme et ne s'exerce que dans les choses qui sont utiles ; l'autre y joint les pernicieuses. Là se montrent ingénument la grossièreté et la franchise ; ici se cache une sève maligne et corrompue sous l'écorce de la politesse. Le peuple n'a guère d'esprit, et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fond et n'a point de dehors, ceux-ci n'ont que des dehors et qu'une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple.

mercredi 1 février 2012

Randonnée au pays qui n'existe pas...

     Elections présidentielles 2012. Tous les candidats aspirant aux responsabilités suprêmes – ou presque – sont sur la ligne de départ. Et les promesses d'avenir meilleur de crépiter au creux de nos oreilles blasées.
    Oui, la société parfaite est pour demain, c'est sûr.
    Chacun a sa recette magique. Renouveau, changement, changement dans la continuité (on a entendu cela par le passé), plein emploi, sécurité, logement pour tous, éducation de pointe ( sans oublier – bien entendu – les enfants et les jeunes gens souffrant de handicaps variés), culture développée, droit universel à l'accès aux soins de qualité... Liberté, égalité, fraternité... Justice... Laïcité...
    Promesses.
    Rêve ? Illusion ? Chimère ?
    Tout cela me fait penser à cette société idéale – mais imaginaire – désignée en 1516 par Thomas More sous le nom d'UTOPIE. Etymologiquement : le lieu qui n'existe pas, le non-lieu.
    Rêver la société idéale, c'est un exercice intéressant, vivifiant même. Et pourtant...
    Le premier obstacle à cet exercice ne tient-il pas au fait que l'utopie n'est pas singulière mais plurielle ? Le visage de l'idéal sourit différemment, ne renvoie pas la lumière de la même façon selon qu'il est esquissé par François Hollande ou par Nicolas Sarkozy, par Jean-Luc Mélenchon ou par Marine Le Pen, par François Bayrou ou par Eva Joly.
    Il n'existe donc pas une utopie mais des utopies. Comment se mettre d'accord ?
    Si l'entente sur le but est difficile à atteindre, que dire des opinions divergentes relatives aux moyens de déjouer les contraintes de la réalité ?
    Il faut se faire une raison. L'utopie est bien le lieu qui n'existe pas. C'est tout de même une lumière, une espérance, peut-être le témoin d'un paradis perdu.
    Victor Hugo disait : « L'utopie est la vérité de demain ». C'est un phare, une lumière d'espoir. Pour Théodore Monod « c'est simplement ce qui n'a pas encore été essayé ».
    Alors essayons !
    Et ne nous privons pas de rêver l'avenir. Si la réalité est plus morose, plus contraignante, elle ne peut pas nous priver de notre liberté de penser, d'imaginer, de rêver... et de nous confronter à nos contemporains en gardant à l'esprit... qu'il faut de tout pour faire un monde !
    Notre bien le plus précieux est cette liberté conditionnée seulement par notre aptitude à respecter ceux qui pensent autrement.

jeudi 26 janvier 2012

Diphile.... La Bruyère

LA BRUYERE


L'amateur d'oiseaux        



Diphile commence par un oiseau et finit par mille : sa maison n'en est pas égayée, mais empestée. La cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière ; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme : les vents d'automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu ; on ne s'entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement, c'est une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flageolet et de faire couver des canaris. Il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil : lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche ; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve.